Que veulent dire les artistes en peignant la France et la terre ? Dès le début du XXe siècle, l'Angélus de Millet est sur les boîtes à sucre et sur les calendriers des postes ; les paysages et les travaux des champs règnent sur les cimaises des salons officiels de peinture. Les crises des années trente secouent la société française et font naître l'exaltation de « l'ordre éternel des champs ». Les artistes prennent la terre en otage. Picasso, Mirô, Masson défient les chromos des peintres de tradition ; ils crient la destruction de la civilisation. Dans les années cinquante, Léger en fait un espace de loisir. Cet ouvrage met à jour les mythes, les idéologies et l'inconscient. Il montre la prégnance et l'évolution des schémas culturels ; il ne juge pas de la qualité esthétique des œuvres, mais raconte comment se peint la Terre-Mère : lieu de l'identité et de l'ancrage, lieu de l'éden et du plaisir, espace de vie et de mort où le sexe a son mot à dire. La nostalgie entre Nature et Culture se glisse dans les discours et forge les ambiguïtés.
Héliane Bernard, docteur en histoire de l'Université Lumière Lyon 2, spécialiste de l'image, actuellement à l'institut méditerranéen de recherche et de création de la Vieille-Charité de Marseille.