Les Barbares… On songe d'emblée à Barrès « dans un siècle hostile et vulgaire, sous l'œil des Barbares » (1). Ou, au contraire, au défi de Rimbaud : « J'ai de mes ancêtres gaulois, l'œil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure. (…) Je suis de race inférieure de toute éternité » (2).
Pêle-mêle, autour du crépuscule des Barbares que Flaubert orchestre somptueusement dans Salammbô, on se souvient bien sûr de Leconte de Lisle, de l'apostrophe que Baudelaire reprend à Barbey d'Aurevilly : « Peuples civilisés, qui parlez toujours sottement de sauvages et de barbares, bientôt (…) vous ne vaudrez même plus assez pour être idolâtres » (3).
Des articles aussi de Paul Bourget sur la décadence française, de la dénonciation par Maurras, et d'autres depuis, des menaces que font peser sur l'individu et la nation «le barbare d'en bas, le barbare de l'Est, notre Démos flanqué de ses deux amis, l'Allemand et le Juif » (4), aboutissement ignoble d'un long processus idéologique.
Le mot et les images qu'il véhicule viennent de loin en effet. Et, avant de se pencher sur l'histoire de la grande peur des Barbares qui saisit le XIXe siècle finissant et se prolonge jusque dans le nôtre, il faut en étudier l'émergence à l'époque romantique, pour mieux comprendre la fortune d'un mot dont les pouvoirs de fascination sont loin d'être épuisés.