En 1907, le grand quotidien catholique de Lyon Le Nouveliste demande au cardinal Couillé d'interdire la publication de la Chronique sociale. Cette revue, créée en 1892 par Victor Berne et Marius Gonin, affiche en effet des convictions chrétiennes démocratiques et sociales qui indignent les milieux conservateurs. Comment ceux-ci pourraient-ils accepter avec plaisir que certains membres des œuvres religieuses qu'ils dirigent depuis l'origine émettent à présent des idées « sociales » et animent des groupes d'études où l'on discute de l'avenir de l'homme, de l'Église, de la société ? L'ouvrage de Christian Ponson étudie ce rapport de forces et de tendances au cœur de l'Église de Lyon à la charnière du XIXe et du XXe siècles. Il décrit l'ensemble des œuvres et des mouvements qui ont placé la capitale rhodanienne en moins d'un siècle au tout premier rang pour l'intensité de la vie spirituelle, pour l'élan de l'action apostolique, pour la recherche aussi d'un christianisme authentiquement social. Il analyse les milieux d'origine des membres de ces organisations et souligne la part décisive que prennent dans leur création et leur animation les familles influentes de la bourgeoisie catholique ainsi que plusieurs remarquables personnalités venant d'autres horizons. Les difficultés qui surgissent à propos de la Chronique ne viennent pas seulement de son orientation sociale. Elles résultent aussi d'une attitude différente dans le domaine politique. Alors que la Séparation des Églises et de l'État achève la mise en œuvre du programme radical, et que le Saint-Siège et l'épiscopat français demandent aux catholiques de s'unir plus que jamais dans la situation qui est ainsi créée, la Chronique se distingue par un apolitisme réfléchi qui implique l'acceptation du régime républicain. Les connaissances théologiques de l'auteur lui permettent de décrire les conceptions divergentes de l'homme et de la religion qui s'opposent en ces pratiques contradictoires et de faire saisir l'actualité de ce débat entre une attitude chrétienne qui privilégie l'unité religieuse et une autre qui opte pour le service de l'homme.