Voici des Mélanges Georges Couton. Qui, parmi les connaisseurs ou les curieux du XVIIe siècle, ne s'associera, de ceur et d'esprit, à l'hommage ainsi rendu à la carrière discrète, mais singulièrement féconde, d'un chercheur exemplaire ? George Couton n'a pas brigué les fonctions d'influence ou de prestige. Il est resté à l'écart de l'agitation parisienne. Il ne s'est ni enlisé dans les tâches administratives ni éparpillé dans des publications de circonstance. Il a préféré, réimplanté dès qu'il l'a pu non loin de ses racines et de ses attaches familiales, prolonger son enseignement par des enquêtes approfondies sur les sujets qui avaient sa prédilection. Il a construit un euvre d'une belle ampleur, dont les assises, au fil des ans, se sont harmonieusement disposées.
La première, bien sûr : ses travaux sur Corneille, et d'abord ses thèses sur la Vieillesse de Corneille et sur Le Légendaire cornélien. Je revois encore sa soutenance dans l'un de ces amphithéâtres haut perchés (était-ce Michelet ? était-ce Quinet ?) que dans les années difficiles la Sorbonne préfère aux ors frileux de la Salle Louis Liard. Un candidat un peu contracté peut-être, mais qui inspirait déjà plus que de l'estime. N'avait-il pas fallu une lucidité et une énergie peu communes pour faire aboutir, si peu de temps après des épreuves multiples (la guerre, la captivité, les périls de l'évasion, les pénuries de l'immédiat après-guerre), des recherches minutieuses, des analyses où s'affirmait une orientation très personnelle ?
Car on ne pouvait s'y tromper. De quelques suggestions que G. Couton ait pu être redevable à ses savants conseillers, Raymond Lebègue et René Jasinski, quant à la conception de ses livres, il n'aurait pas soumis de vieilles traditions à un contrôle aussi serré, il n'aurait pas, dans l'étude de la vieillesse de Corneille, accordé une place aussi grande aux rapports de l'euvre avec l'auteur ou, davantage encore, aux rapports de l'euvre avec les situations et les débats politiques de l'époque s'il n'avait obéi, ce faisant à une exigence profonde de son esprit, qu'allaient d'ailleurs bientôt confirmer des publications nouvelles. Voici en effet que, remontant du Corneille des dernières années à celui de l'âge mûr (et donc du temps de la Fronde) puis à celui de la jeunesse (et donc de Mélite et du Cid), il passait derechef au crible les témoignages anciens et apportait des preuves supplémentaires de ce que les pièces de Corneille ont dû aux crises qui ont secoué la France de son siècle.
Extraits de la présentation par René Pintard
Professeur honoraire à la Sorbonne