La littérature naît de la littérature et l'originalité est question de digestion, « affaire d'estomac » comme l'écrit Valéry. Tout texte littéraire est un palimpseste. C'est particulièrement le cas de l'œuvre de Michel Tournier qui se construit dans des pratiques intensives d'écriture seconde. Cet ouvrage met en évidence la spécificité de la cohérence de l'écriture de Tournier, la singularité d'une voix. La démarche est celle d'une poétique du second degré qui considère que l'œuvre littéraire réfracte toujours prismatiquement d'autres textes. Il s'agit d'appréhender méthodiquement dans l'œuvre étudiée – pour en retrouver la dynamique créatrice – les phénomènes dits intertextuels. Une étude généalogique montre d'abord le rôle décisif de trois lectures d'enfance (Andersen, Curwood, Lagerlöf), dont on repère les traces matricielles dans les thèmes et les formes de l'œuvre adulte. Sont étudiées ensuite les modalités foisonnantes de l'intertextualité externe, puis interne à cette œuvre finalement envisagée dans sa dimension autobiographique comme un vaste « roman du sujet ». Partant d'une étude spécifique, il s'agit aussi d'esquisser une poétique du roman, « genre bâtard dont le domaine est vraiment sans limites » (Baudelaire), foncièrement dialogique et polyphonique, plus apte qu'aucune autre forme littéraire à représenter tous les autres langages.
Jean-Bernard Vray est professeur de littérature française. Il enseigne à l'IUFM de Lyon et à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne. Outre ses travaux sur l'œuvre de Michel Tournier, il a publié divers articles sur des œuvres poétiques ou romanesques du XXe siècle.