« Parlez-moi des formes, j'ai grand besoin d'inquiétude. » L'inquiétude de Paul Éluard peut être envisagée à la lumière d'une réflexion sur les formes de « commun échange » qu'il engagea avec Jean Paulhan à l'occasion du lancement, en 1920, de la revue dadaïste Proverbe. Dans Capitale de la douleur (1926), abordant les formes en mouvement non pas comme des éléments abstraits qui auraient vocation à représenter le réel mais comme des objets de la réalité, Éluard compile, assemble, détruit, recolle les locutions et phrases du tout-venant pour parvenir à ce que Tristan Tzara appelle la « petite folie collective d'un plaisir sonore ». Mais « parler sans avoir rien à dire », c'est encore chercher l'énergie d'une voix dans les formules de la parole, choisir certaines images plutôt que d'autres, agrandir le champ de l'invention rhétorique en s'engageant dans une pratique figurale qui mette en œuvre un libre décloisonnement qui est aussi une morale des formes. Inquiéter les formes ou se laisser inquiéter par elles, c'est, pour Éluard, redonner à la vision, à la pensée humaine mais aussi à la liberté toute la place qui leur revient.
Agnès Fontvieille-Cordani, maîtresse de conférences en langue et stylistique françaises à l'Université Lumière Lyon 2 (Passages XX-XXI, EA 4160), est spécialiste de l'œuvre de Paul Éluard. Elle a dirigé divers ouvrages critiques sur des écrivains du XXe siècle (Nathalie Sarraute et Jean Genet en particulier).
> La revue Histoires littéraires proposait dans son numéro 59-60 un compte rendu de l'ouvrage.
> Une « Journée d'agrégation Éluard » a été organisée à Rouen le 25 octobre 2013. Agnès Fontvieille-Cordani y participait. Pour voir son intervention, cliquez ici. Une version écrite est également consultable sur Fabula.org.