« Le monde des différences n'existant pas à la surface de la terre, parmi tous les pays que notre percéption uniformise, à plus forte raison n'existe-t-il pas dans le « monde ». Existe-t-il, d'ailleurs, quelque part ? Le septuor de Vinteuil avait semblé me dire que oui. Mais où ? ». Dans cette phrase entre autres, Proust dessine une esquisse de sa géographie mentale. Deux pôles : celui de l'uniformité, celui de la différence ; deux domaines, continents séparés et divergents : celui du « monde » et celui de l'art. Il lui arrive de préférer une métaphore morale ou religieuse ; il s'agit alors de ciel et d'enfer. On peut naître ou mourir à soi même. A chacun de décider. « Nous pouvons à notre choix nous livrer à l'une ou à l'autre de deux forces, l'une s'élève de nous-même, émane de nos impressions profondes, l'autre nous vient du dehors. La première porte naturellement avec elle une joie, celle qui dégage la vie des créateurs. L'autre courant, celui qui essaye d'introduire en nous le mouvement dont sont agitées des personnes extérieures, n'est pas accompagné de plaisir ». D'un côté, la vie superficielle, vaporisée, centrifuge, de l'autre la concentration, la joie, la « vraie vie », la création. Là, une extériorité séduisante et mortelle, ici, la profondeur. Dérive ou retour. Similitude ou différence. L'homme ne s'appartient que s'il se reprend aux autres.